Au réveil, à voir ma demi-molle matinale, je suis comme elle, à moitié convaincu qu'il y a de l’intérêt à se lever aujourd'hui. Faut pourtant que je m'extirpe de ces draps, de ce lit sous peine de finir aussi mou que mon gourbi du réveil. Nous sommes à Vienne et c'est le jour 3 ici.
Après avoir quitté le néant, voilà qu'on y est retourné et pas plus tard qu'hier, on s'est encore mis la tête à l'envers. On s'est fait gangrener dans
une soirée entre coach-surfers et avouons le, on est assez docile quand il s'agit d'aller surfer sur l'écume mousseuse et jaunâtre
d'une bière.
L'errance du jour se doit d'être constructive à défaut d'être positive. La carte en main et fort d'une organisation sans faille, nous paradons de place en
places. Cette journée marque le retour de l'hymne à la joie. Pourtant, une surprise à limite du foutage de gueule, nous
attend à la Beethoven Platz. Aucune sculpture du fameux Saint-Bernard, pas même un tonneau, un os ou une niche. À la
place, un mec, l'air austère, le cheveu long aux allures de chef d'orchestre.
Un peu déçu, cette journée prend un virage sucré quant à 15 heure pétantes, on s'incruste au café du très classe hôtel Sacher pour y déguster sa fameuse tarte du même nom. On nous a vendus, ce gâteau comme le meilleur des meilleurs du monde. Il faut bien
dire, c'est très bon, moelleux, chocolaté, abricoté. On se délecte. On aurait bien fait les gourmands en s'enfilant une deuxième part, mais
le voyage est long, l'argent précieux, et on n'aura certainement pas la même rigueur avec l'alcool.
La journée frise l'excellence quand après notre tarte au chocolat, on enchaîne par un chocolat chaud de la maison Demel. C'est au delà de nos espérances, à lui seul ce nectar cacaoté mérite le voyage dans la capitale d'Autriche.
Mais dans la vie tout n'est pas que douceur, je suis ramené à la réalité de ce monde quand sans raisons autre que ma sale gueule, une clocharde me
hurle dessus « GO FUCK YOURSELF, ASSHOLE ». Étant un homme positif, je considère ses insultes comme
une invitation à m’octroyer un plan cul avec moi-même, après tout comme le disait Woody Allen : « Se masturber, c'est faire l'amour avec quelqu'un qu'on
aime.
Pour notre dernier soir, c'est Schnitzel. Nous avons tenu comme une promesse de ne pas tomber dans l'excès ce
soir. Un schnitzel en compagnie de Samuel (coachsurfer rencontré la
vielle) et au lit, c'est promis...
C'est lorsque nous dégustions notre « dernière » bière que le drame survînt. Sam évoque l'idée d'un karaoké. Parler d'un karaoké avec Florian, c'est un peu comme promettre une partie de football à Léo Messi. La
différence notable entre les deux individus se situant au niveau de la virtuosité.
Cependant, impossible de chanter à jeûn et nous sommes tous d'accord là dessus. On se trouve un troquet qui ne paye
pas de mine et j'ose cette question à Thérésa notre serveuse du soir.
« HOW CAN WE GET DRUNK IN A
CHEAP WAY ».
Thérésa charmante et sans doute un poil inconsciente nous initie au SPITZL. Le SPITZL se
boit en shooter, le SPITZL coûte 1 euro, le SPITZL fait 40° et pour finir le SPITZL est
dégueulasse et de surcroît, il vous laisse une odeur de noisette dans les narines.
Malgré tout cela, nous finirons la bouteille et c'est en titubant que nous mettrons en quête d'un Karaoké. Bien sûr en homme méthodique que nous sommes, nous ne réaliseront qu'après-coup qu'il n' y a aucun Karaoké ouvert à Vienne le lundi...No comment.
Frustrés, nous entrons dans une dernière taverne. Le patron dont ma tête ne semble que peu lui revenir refuse de me servir,
prétextant que j'aurai dores et déjà trop bu. Si je ne suis pas méthodique, je me reconnais volontiers lucide et accepte la sanction sans broncher.
Flo et Sam dont le degré d'alcoolisation s'approche volontiers du mien, sont eux, autorisés à boire dans la dîte taverne. Jaloux, je décide de m'occuper et entreprends de ranger mon écharpe dans mon sac. Je pose mon sac sur une table vide, à
proximité d'autres tables auprès desquelles quelques filles conversent. Je ne dis point mot et me contente de ranger purement et simplement mon écharpe.
Pensant que j'agis en trublion qui détruit la quiétude de ses convives, le tavernier décide de m'exclure de son rade. Je conteste les faits qui me sont reproché, mais je m’exécute et m'en vais faire les cent pas sur le parvis de la taverne. .
Il est tard, je suis seul dehors et je fulmine ma colère jusqu'à ce que je craque. J'ouvre la porte du bar, tous les regards se posent sur
moi. Tour à tour, je m'adresse à chacun, à Flo : « Je rentre à l'hôtel », à Sam : « It was nice, have a nice
trip » au Barman : « And you, I FUCK YOU. ». Le barman pose son torchon et s'empresse de me chasser, trop tard, j'ai pris mon courage et suis déjà loin.
Flo qui n'a pas manqué de s'étouffer après mon intervention paye sa note et me rejoint. La boucle est bouclée, on est à nouveau dans le néant.
De retour à l'auberge, je sens le Spitz, les bières, le vin qui remontent et racle ma gorge que je croyais pourtant en PVC. Je n'ai que le temps de coller ma tête dans l'urinoir que dégoupille à plein poumon mon schnitzel du soir.
C'était écrit, qui boit sans soif, vomit sans efforts.
À mon réveil, le SCHNITZEL orne toujours la même place. Par acquis de conscience, je vérifie qu'il s'agit bien de mon
repas de la veille et il n' y a aucun doute possible, je suis l'auteur de ce méfait qui a installé une suspicion dans toute l'auberge.
C'est donc sans fierté que je quitte notre hôtel laissant derrière moi une enquête à faire pâlir d'envie Sherlock Holmes et les frères Lagaulle.
« LE MYSTERE DU SCHNITZEL
DANS L'URINOIR. »